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Dr Yves Lamontagne


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«Les médecins: au sommet pour l’argent, en déclin aux plans politique et social. Et le salariat s’en vient.» — Dr Yves Lamontagne

 

Maintenant qu’il n’est plus aux affaires, le Dr Yves Lamontagne jette un regard critique sur l’évolution de la médecine.

 

Connu pour son franc-parler, l’ancien président du Collège des médecins du Québec1 croit que la médecine se dirige à grands pas vers le salariat. Et que sa profession perd du terrain social et politique dans une proportion inverse où elle gagne en rémunération.

 

Lentement mais sûrement, la médecine perd du pouvoir, selon vous. Pourquoi?

 

Je parle de «pouvoir» au sens positif du terme, soit la capacité d’influencer les choses. Or, ça se dégrade à ce chapitre. On a un peu couru après, nous les docteurs, car on a délaissé notre pouvoir politique et social pour ne plus voir que nos conditions économiques.

 

Le marché va passer aux infirmières et aux pharmaciens, ça coûte moins cher et les politiciens l’ont bien compris. Ça va éclater les services. Le bon côté, c’est que d’autres professionnels ont la compétence de faire certaines choses que le médecin faisait: c’est l’esprit des activités partageables et ça se justifie aussi. Le pouvoir d’influence des autres professions va se construire sur la dépouille du pouvoir médical.

 

Se tirer dans le pied

À quoi attribuez-vous cette perte de pouvoir médical?

 

Surtout au fait que les médecins ne s’impliquent plus aux plans social et politique. Là, ils ont perdu beaucoup de terrain. Combien de temps va-t-on encore pouvoir tenir le coup aux yeux de l’opinion publique, comme profession la mieux rémunérée, si l’on offre de moins en moins de services? Je vois se profiler un seuil au-delà duquel la population n’acceptera plus de verser 5,5 milliards $ à quelques milliers de médecins pour des services qu’ils rendent de moins en moins. Cet état de fait n’est politiquement pas rentable.

 

Mais on ne peut pas se passer des médecins…

 

Nous nous complaisons à le croire. Hé bien, plus le temps avance, moins ce sera vrai. À long terme, on est même en train de se tirer dans le pied. C’est fini en effet le temps où les médecins avaient de l’influence pour décider du type de soins que la société devait recevoir.

 

Voyez le récent dossier du remboursement par l’État des NTR. Voilà l’exemple parfait d’une demande née de groupes de pression, où les décideurs politiques se sont alignés sur une partie de l’opinion publique. Si tu peux gagner des votes, tu rembourses le service; si ça ne t’apporte rien, tu coupes son financement par l’État.

 

 

Selon vous, les médecins seraient donc au sommet de leur rémunération…

 

Oui, ils ne grimperont pas plus haut, et ils sont sur la pente descendante quant à leur image sociale et politique. La société, comme du reste la classe politique, n’est pas folle: tu ne gagnes pas d’élections en donnant toujours plus de millions aux docteurs. Tu en gagnes plutôt en disant: «Voyez, nous avons amélioré notre système de santé». Or, comment ce dernier peut-il aller mieux si les médecins s’y investissent de moins en moins?

 

La chose qui nous sauve — mais pour combien de temps? — c’est que le MSSS a été dirigé ces dernières années par deux médecins (Yves Bolduc et Philippe Couillard). Les médecins sont socialement et politiquement en perte de vitesse, mais personne ne réagit.

 

L’argent va jouer un rôle majeur dans la montée des autres professions…

 

Oui. Si tu peux rendre le même service avec les infirmières — qui, en passant, sont beaucoup mieux vues que les médecins dans l’opinion publique — et que ça coûte moins cher, l’État approuve.

 

 

La médecine par ailleurs se dirige de plus en plus vers le salariat, selon vous. Pourquoi?

 

À cause de la féminisation couplée à l’effet générationnel (les valeurs des jeunes, avec priorité à la qualité de vie — gars ou filles, à ce chapitre, c’est pareil). Cette combinaison de facteurs, si elle peut donner une médecine plus humaine, accélère aussi l’avènement du salariat2. Tôt ou tard, le gouvernement dira: «Mettons les médecins à salaire, avec vacances, avantages sociaux, fonds de pension (ça, ça reste à voir)». Une vraie convention collective! Et je vous garantis que tous les médecins signeront.

 

N’est-ce pas mieux que de se tuer à la tâche comme le faisaient les «vieux» médecins?

 

Oui, c’est mieux, surtout pour la vie de famille. De toute façon, un couple de professionnels, plutôt que de se faire manger par l’impôt, préfèrera aller faire du vélo avec les petits. Mais tout ça, c’est aussi moins de disponibilité à la profession, donc le cap vers une médecine de fonctionnaires, une médecine de 9 à 5. La médecine salariée deviendra une médecine d’État, comme dans les pays de l’Est.

 

Tôt ou tard, il faudra bien faire le ménage dans les modes de rémunération des médecins. La rémunération à l’acte ne favorise ni l’empathie ni la bonne relation au patient.

La situation ne risque-t-elle pas de changer quand le Québec comptera trop de médecins?

 

Oui, et ça s’en vient effectivement. Déjà, certaines spécialités sont saturées. On s’en va vers le «trop» de médecins, et trop, ça veut dire qu’on va négocier vers le bas.

 

Attention, je ne dis pas que j’approuve le salariat, je trouve même ça un peu charrié d’en arriver là. Mais, tôt ou tard, il faudra bien faire le ménage dans les modes de rémunération des médecins. La rémunération à l’acte ne favorise ni l’empathie ni la bonne relation au patient.

 

Actes humains dévalorisés

Qu’est-ce qui cloche au fond?

 

Plutôt que d’axer les actes sur le clinique, on a misé sur la technique. D’où des guerres entre docteurs d’ailleurs. Ce qui ne va plus, c’est de voir ces actes techniques (cardiologie, radiologie, etc.) mieux rémunérés que les actes humains. Cardiologues et radiologistes, par exemple, passent le malade dans leur machine, mais la seule machine que l’on a, nous, en psychiatrie, c’est la boîte de kleenex quand le patient pleure.

 

Le patient s’y retrouve-t-il dans ce qu’est devenue la médecine?

 

De moins en moins. Au Québec, comme dans le reste du Canada, on est passé de 35 à 53 spécialités. Aux États-Unis, il y en a 100. Comment voulez-vous qu’un patient ainsi découpé en 53 «morceaux», si l’on peut dire, s’y retrouve? Et que reste-t-il du sens clinique chez les médecins?

 

Quand le patient arrive à l’hôpital, on recueille son sang, son urine et ses selles. À partir de là, on oriente les choses. On le compartimente, et on l’envoie à gauche ou à droite, vers le spécialiste de l’oreillette gauche ou celui du ventricule droit. Chaque médecin s’occupe de son petit morceau et plus personne ne s’occupe du tout: le patient.

 

Est-ce aussi parce qu’on a trop négligé la médecine de famille?

 

Selon moi, oui. On a négligé la médecine de famille qui est pourtant la base de tout. D’ailleurs, la FMOQ pousse pour avoir plus de professeurs, à l’université, qui soient des omnipraticiens. Je défends les médecins de famille, qui feraient sans doute un meilleur travail s’ils étaient soutenus plus vite par les médecins spécialistes.

 

Selon moi, la médecine interne est la plus importante des spécialités à l’hôpital. Or, elle a perdu beaucoup. Pourtant, le médecin de médecine interne n’est-il pas «le généraliste des spécialistes»?

 

Entend-on les avocats se plaindre? Pourquoi? Parce qu’ils doivent, eux, aller chercher eux-mêmes leur clientèle, elle ne leur est pas fournie gracieusement par l’État.

Vous parlez beaucoup du rôle social du médecin, pouvez-vous préciser?

 

Je prends un exemple personnel. J’ai commencé la médecine en 1968, deux ans avant l’arrivée du régime public d’assurance-maladie. À cette époque, le médecin était membre de divers clubs sociaux, car c’était là aussi qu’il recrutait sa clientèle. Aujourd’hui, le médecin jouit d’une clientèle captive: des clients, il en a en veux-tu, en v’là. Ça change forcément la nature de ton engagement quand tu n’as pas à faire l’effort de les recruter.

 

Voyez les avocats, ils travaillent comme des fous, mais les entend-on se plaindre? Pourquoi? Parce qu’ils doivent, eux, aller chercher eux-mêmes leur clientèle, elle ne leur est pas fournie gracieusement par l’État.

 

En résumé?

 

La relation à la médecine a profondément changé depuis un demi-siècle, c’est un fait. Avant moi par exemple, le médecin de l’autre génération entrait en médecine comme en religion. Il avait la vocation (du latin vocare, être appelé). Moi, je l’ai vécue comme une profession. Aujourd’hui, c’est devenu un métier.

 

Je ne dénigre pas les métiers, bien au contraire, je les respecte beaucoup, mais il faut bien voir que cette évolution n’est pas que pour le mieux en médecine. Moins d’engagement social et l’adoption de la mentalité «9 à 5», qui va avec le salariat, qu’on le veuille ou non, c’est aussi moins d’empathie pour le patient.

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où est-ce que tu as trouvé cet article?

 

et oui, il y a déjà une certaine forme de salariat dans la rémunération de certains médecins au Québec, mais aussi beaucoup aux États-Unis où certains médecins sont salariés de l'HÔPITAL!

 

Il y a un certain rattrapage qui se fait dans certaines provinces et aussi aux É-U concernant la rémunération de certains spécialistes qui peuvent facturer des sommes AS-TRO-NO-MI-QUES pour des procédures qui prennent peu de temps. Cela arrivera certainement au Québec prochainement. La convention collective de la FMSQ a été adoptée jusqu'en 2016, j'imagine qu'à ce moment-là la rémunération commencera à baisser un peu.

 

Le salariat n'est pas une solution nécessairement valide selon moi. Tu enlèves l'incitation de voir beaucoup de patients/effectuer bcp de procédures : les MDs ne travailleront plus que 40h/sem au lieu de 60h. Chui pas certain que l'offre de services en serait améliorée.

 

Perte du pouvoir médical? Probablement un peu au niveau social, on est quand même passé d'un pattern paternaliste à une relation pt-md bcp plus égalitaire mais cela rend compte d'une évolution de la mentalité des gens et pas nécessairement de l'évolution de la taille du porte-feuille...

 

Texte intéressant malgré le fait qu'il y a bcp de points que je conteste ;)

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Est-ce aussi parce qu’on a trop négligé la médecine de famille?

 

Selon moi, oui. On a négligé la médecine de famille qui est pourtant la base de tout. D’ailleurs, la FMOQ pousse pour avoir plus de professeurs, à l’université, qui soient des omnipraticiens. Je défends les médecins de famille, qui feraient sans doute un meilleur travail s’ils étaient soutenus plus vite par les médecins spécialistes.

 

Selon moi, la médecine interne est la plus importante des spécialités à l’hôpital. Or, elle a perdu beaucoup. Pourtant, le médecin de médecine interne n’est-il pas «le généraliste des spécialistes»?

 

Non, la médecine de famille n'est pas négligée, du moins pas présentement. Elle l'était il y a un moment mais elle est rendu omniprésente dans les facultés.

 

Le 2e paragraphe sur la médecine interne m'a bien fait rire! La med interne la plus importante des spés à l'hopital? Oui, c'est une spé bien importante, mais c'est un peu réducteur de dire qu'elle est LA plus importante et de dire qu'elle a perdu beaucoup. Les internistes sont des consultants surspécialistes en région, et ils sont des hospitalistes en ville. Il faut dire les choses telles qu'elles le sont.

 

Si les choses continuent à aller comme le dit l'article, la 1ere spé qui risque de manger la claque va être la médecine de famille car ils seront les plus menacés par les actes des infirmières praticiennes etc. Mais on en est encore loin, ces professionnels cohabitent très bien dans les autres provinces.

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